Wednesday, October 3, 2007

JEAN-LUC LAMOUILLE

Né en 1951, ce haut-savoyard d'origine piémontaise, décroche son diplôme
de Sciences Po et un troisième cycle d'économie. Quatre années en Algérie
l'interrogent sur la réalité de l'histoire coloniale et le mythe d'un socialisme
introuvable. Le rêve antillais s'efface, de la Barbade aux Etats-Unis, le long
d'un parcours semé de questions sans réponses.

Il lance, à l'Institut d'Administration des Entreprises, des stages de création
d'entreprise pour chômeurs, puis intègre la fonction publique . Il la quitte pour
exercer la profession de consultant au sein d'une entreprise de conseil en gestion
de la qualité. Il se met en congé de son activité professionnelle pour écrire .

Il a fondé une association de défense des chômeurs et participé à la création
de la boutique de gestion de Grenoble. Il est l'auteur de livres dans les domaines
économique, juridique et social, statistique .

Animateur d'une lettre poétique, l'Arme de l'écriture, il collabore avec des
revues de littérature et de poésie en France et à l'étranger.

Il dit souvent que les années passées en Algérie sont les plus belles de sa vie


Rejeter l'histoire

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Jéricho
m'étonna,
de vaisseau
en cathédrale,
présentées,
immolées
sur la tombe
espérée
d'un immémorial
état.

L'aube souffle
des terrasses carrées
les symboles immobiles,
vite évaporés.

Le passé gèle ses filets
autour du bandonéon solitaire.

Il est minuit depuis si longtemps...

Rue d'Argent
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Je remplacerai ton désespoir
par des cocottes en papier
sur lesquelles tu dessineras
le dépassement de toutes les fleurs.

Je vivrai, écorce tendre,
à l'écoute des feux
où tu brûleras
les déchirures malades.

Tu embaumeras l'eau
de la vasque aux écritures,
et je me dresserai devant ta nudité
contre l'idée déformée par la ville.

Tu m'étreindras
une veille de solstice...
sur la neige d'une bruyère...
à la Saint-Jean...

Tu m'étreindras
quand il te plaira.

Dans la cuisine apaisée
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
L'aïeule a étalé ses cartes postales sur la table de bois .
La Loreley, Cuba, notre montagne enneigée, des calligraphies arabes, un
bouquet de fleurs anniversaire, le boeuf de l'ancêtre,les vieilles halles de
Paris..., une mémoire recréée dans le ronronnement du poële.

Je me perds dans une vue du début du siècle, où les bateaux en noir et
blanc poussaient leurs limites autant que leurs machines sur un lac
déguisé en blanc et en noir.

Il m'a suffi, lors de cette veillée, de me noyer dedans pour oublier
les champs de lavande du Ventoux,
les voies aériennes des Dolomites,
les dunes rouges de Timimoun.

Le lendemain matin, seul un morceau de carton blanc flottait encore
en s'enroulant autour du ponton brisé.

Pour un art du voyage
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Voyez une ville, voyez-en deux,
tapissez-les de bleu,
peignez le rêve avec les mots,
de Vancouver à San Francisco.

Saisissez tous les petits trains
pour construire un bout de chemin,
une île par ici, un bateau par là,
le lecteur se retrouve fait comme un rat.

Ajoutez par-dessus quelques cormorans
et, bien sûr, la patine du temps.

Tournez calmement la page du globe
d'un regard qui vite l'englobe,
voilà que sans aucune rage
vous venez de fabriquer un voyage.


Laisse le ciel se calmer
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La pluie...
La pluie...
L'orage

Un coin d'Italie

L'eau décline le vide
L'éclair fendille
un coin de mon coeur

Derrière la pluie,
derrière cet orage noir,
une femme s'est glissée

Elle m'apporte,
humble mais droite,
l'image d'une rivière possible.


Ma liberté est au-dedans
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Le rêve du dragon
déguise mes certitudes
en belles de nuit
évaporées
dans les ventres du ciel

J'imagine des bateaux
pleins d'amazones repues
enfin de retour
enfin pacifiées

Mes yeux aveugles
devinrent l'aurore verte
cachée
de l'autre côté de l'univers

°°°°°°°°°

Une flèche s'illumine
Le grand miroir bleu repose
Mille soleils dans l'âme

Une certaine idée de l'amour
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J'aurais voulu être aimé
par une perle de sang

inutile
provocatrice

et néanmoins femelle

J'aurais pu aimer
une femme de sang

inutile
provocatrice

et pourtant perle

J'aurais aimé
aimer
une idée